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Discours de Jean Ferrat

au cours du banquet républicain sur la place d’Antraigues le 16 août 1997

Les organisateurs de cette soirée et mon ami Jean Saussac m’ont demandé gentiment de vous dire quelques mots. Je leur ai d’abord répondu non et puis – ça avait l’air de leur faire vraiment plaisir – je me suis dit que j’avais presque le devoir de le faire car voilà 33 ans que j’ai été accueilli dans ce pays et que j’ai trouvé dans la vallée du Mas, des racines et des ailes.

Me voilà donc devant vous avec l’envie, tout d’abord de me réjouir du grand succès de ce banquet républicain parce que je pense que c’est un signe. C’est le signe que nous avons besoin de nous retrouver, de nous rassembler en cette fin de siècle incertaine, autour de quelques idées essentielles, sans lesquelles il ne fait jamais bon vivre.

Permettez-moi, à propos de ces idées essentielles, de revenir quelques années en arrière à une époque où je parcourais le Mexique avec mon ami Gérard Meys ici présent. C’était l’été. Nous allions un peu au hasard des routes, dans la chaleur et la poussière et un jour, nous arrivons dans un village en fin d’après-midi. Il y avait des tréteaux dressés, des tonneaux en perce, tout le peuple semblait dans la rue. Il y avait des orchestres en plein air, les gens dansaient partout, bref c’était la fête et nous nous sommes dits : c’est la fête du village.

Et puis, il nous a semblé voir, sur une maison, un drapeau bleu, blanc, rouge et devant notre étonnement un homme parlant un peu français nous dit :

– Mais señor savez-vous quel jour on est ?

– Evidemment on n’en savait rien !

– Et bien, mais c’est le 14 juillet ! Et nous fêtons la Révolution française !

Ainsi, près de 200 ans après 1789, malgré Maximilien, malgré les retours en arrière qui ont jalonné notre histoire, malgré les Bonapartismes, les Royalismes, les Pétainismes, ce dont se souvenaient ces paysans pauvres Mexicains c’était l’esprit même qui animait les fondateurs de notre république :

L’esprit de liberté, d’égalité, de fraternité !

En un mot, nos pères avaient fondé avant tout le monde la plus belle des multinationales : celle qui aide, encore aujourd’hui, de la Chine au Mexique les peuples humiliés, la multinationale de l’espérance, la multinationale du bonheur !

Est-ce à dire qu’à présent dans le pays où nous vivons, ces valeurs originelles soient suffisamment et définitivement établies ?

Evidemment non !

Mais je suis profondément convaincu que ce n’est qu’à partir d’elles, en les élargissant encore, que nous serons fidèles à leur esprit.

Car si je vous disais toute à l’heure combien je me réjouissais du succès de cette soirée, je dois aussi vous avouer que j’éprouve une grande inquiétude sur ce qui se passe dans ce pays. Il me semble que nous sommes entrés depuis quelques années dans une de ces périodes de régression que j’évoquais à l’instant, un moment de l’histoire où nous pourrions replonger dans l’ombre, où la nuit semble s’étendre sur la pensée et le brouillard sur nos fragiles certitudes.

Il m’est intolérable en effet, de savoir qu’ici même, à Antraigues qui eut dès 89, deux députés du tiers-état élus à la constitution, Antraigues dont le passé rebelle et républicain a toujours été sans faille, Antraigues centre de la résistance au nazisme, il m’est intolérable de savoir que 10 %  de mes concitoyens votent pour le contraire des idées de justice, de solidarité, de fraternité qui sont l’essence même de notre histoire et de civilisation.

Alors, je me dis que nous n’avons pas fait ce qu’il fallait. Qu’il faudra faire autre chose, qu’il faudra faire autrement.

Je ne me résous pas au rejet, à l’exclusion

Je ne me résous pas à la haine,

Je ne me résous pas à la bêtise du désespoir.

Ma présence ici, ce soir, parmi vous, n’a d’autre signification que de vous en convaincre et de vous assurer que, pour les combattre, je serais toujours à vos côtés !

Jean Ferrat


Exposition

Marion et Joël Harder unissent leur travail le temps d’une exposition à Antraigues. En prenant comme point de départ leur travail autour des formes du vivant, Marion et Joël explorent les végétaux pour en étendre le vocabulaire déjà connu. Au travers d’un travail photographique aux frontières de l’abstraction, Marion capture les identités formelles et chromatiques multiples des fleurs. Joël aborde le végétal comme élément incarnant des symboliques diverses, et le travaille au travers de moulages en peaux d’animaux.

Exposition en partenariat avec le festival Jean Ferrat dans le cadre du thème 2024, « Restera-t-il un chant d’oiseau? Vernissage le vendredi 19 juillet à 18h30 sur la place d’Antraigues dans le cadre du festival.

https://www.harderjoel.com/